Le troisième Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNACC) a été publié le 10 mars 2025. D'une concertation avec les syndicats sur les conditions de travail en période de chaleur jusqu'à la transparence sur les tarifs d'assurance, ce projet comporte une cinquantaine de mesures destinées à préparer la France face à la possibilité d'un réchauffement marqué du climat au cours du XXIe siècle.
Parmi les 51 propositions du PNACC, plusieurs portent sur l'étude des vulnérabilités des entreprises : le gouvernement souhaite les obliger à mieux évaluer les risques climatiques pesant sur leurs activités.
Ces mesures constituent déjà un signe fort pour les acteurs économiques. Cet article fait le point sur les informations disponibles à ce stade et propose quelques pistes de réflexion sur la mise en œuvre concrète de ces nouvelles obligations.

Cet article a été publié initialement lors de la mise en consultation du PNACC en octobre 2024. Il a été mis à jour suite à la publication de la version définitive le 10 mars 2025 afin de tenir compte des précisions et modifications apportées entretemps.
Transports, énergies, santé... Quelles entreprises devront faire une d’étude de vulnérabilité climatique ?
Le contenu du PNACC fait apparaitre une vision claire : anticiper les impacts du changement climatique est une première étape indispensable à l'adaptation. L'idée est que connaitre les risques est une première étape indispensable pour les éviter (par exemple renoncer à une mauvaise décision mettrait en danger l'entreprise) ou les mitiger (limiter les dommages lors d’événements climatiques extrêmes, etc.).
La mesure 33 du PNACC note que pour "réduire les impacts en cas d’événements extrêmes et éviter les investissements non-rentables qui peuvent parfois mettre en péril un modèle économique tout entier, il est essentiel que les entreprises élaborent des plans d’adaptation fondés sur des études de la vulnérabilité de leur activité au changement climatique".
Le Plan National d'Adaptation au Changement Climatique veut donc intégrer l’adaptation au changement climatique dans les stratégies des entreprises via la réalisation d'études de vulnérabilité. Celles-ci doivent concerner en priorité les gestionnaires d'infrastructures ou de services publics critiques :
dans les transports (mesure 30) : des évaluations ont déjà été réalisées où sont en cours pour le réseau routier, les gares et les transports ferroviaires, les services de transports publics régionaux et urbains, les ports, les voies navigables et les aéroports... Elles devront être achevées et/ou mises en conformité avec la Trajectoire de Référence pour l'Adaptation au Changement Climatique au cours des prochains mois.
Pour les systèmes énergétiques (mesures 31) : des études sont prévues sur la vulnérabilité du réseau d'oléoducs et de gazoducs ainsi qu'une mise à jour des études déjà réalisées par RTE sur l'impact du changement climatique pour l'équilibre du système électrique. Un accent particulier semble être mis sur les production renouvelables (éolien, solaire...), les réseaux (transports et distribution d'électricité) et la ressource en eau.
Pour le système de santé (mesure 29) : une analyse de l'exposition au changement climatiques des établissements de santé, sociaux et médico-sociaux sera réalisée en 2025. Cela représente près de 15.000 sites parmi lesquels on va trouver les hôpitaux mais aussi des EPHAD, ESAT, foyers, centres d'accueil, écoles... Cette évaluation a pour objectif d'identifier les emprises les plus vulnérables, sur lesquels des études plus poussées seront lancées.
Pour les écoles : en lien avec les rectorat, les prefectures sont chargées d'identifier les établissements scolaires "particulièrement menacés par le recul du trait de côte, la montée des eaux, les inondations ou d’autres risques climatiques extrêmes".
Les entreprises concernées ne sont pas toutes citées mais il est facile de penser par exemple à RTE, Enedis, GRTgaz, TRAPIL (qui exploite le réseau d'oléoducs français), SNCF réseau, RATP, Aéroports de Paris, aux concessionnaires d'autoroutes (Eiffage, Vinci, Abertis...), aux sociétés de gestion de ports ou aux grands réseaux de chaleur. Au total ce sont des dizaines de milliers de sites qui devront faire l'objet d'une évaluation au cours des prochains mois.
Comme le soulignait notre contribution au débat public sur le PNACC, il est donc particulièrement important de disposer de solutions efficaces pour réaliser ces études.
Un affaiblissement des obligations pour les autres entreprises critiques
Pour les autres entreprises, la version finale du PNACC est plutôt en retrait par rapport au projet publié à l'automne. Le débat sur la CSRD est passé par là... Et il est vrai qu'il existe un risque d'évaluation redondantes non-compatibles entre elles.
Le projet mis en consultation en 2024 prévoyait que "la réalisation de ces études sera progressivement rendue obligatoire pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques". La version définitive n'envisage plus qu'une "réflexion sur l’introduction progressive d’une obligation de réaliser une étude de vulnérabilité et d’élaborer un plan d’adaptation".
Le recul est particulièrement net pour les Organismes d'Importance Vitale. Les OIV sont des organisations désignées par la Loi de Programmation Militaire comme "vitales à la survie de la nation". La liste est évidemment confidentielle mais on sait qu'elle comprend près de 1400 sites, ou "point d'importance vitale" sur le territoire, exploités par environ 250 opérateurs d'importance vitale. Les OIV vont des industries de l'armement jusqu'aux grandes banques en passant par les gestionnaires d'infrastructures majeures (eau, énergie, transport...), l'agroalimentaire ou les établissements sanitaires.
Le projet de PNACC prévoyait que les OIV devrait évaluer leur vulnérabilité au changement climatique avant 2026 (on peine d'ailleurs à croire que cette obligation n'existait pas encore !).
La version définitive se contente d'annoncer la transposition dans le droit français de la directive 2022/2557 sur la résilience des entités critiques. Celle-ci prévoit notamment que "les États membres veillent à ce que les entités critiques prennent des mesures […] pour prévenir la survenance d’incidents, en tenant dûment compte de mesures de réduction des risques de catastrophe et d’adaptation au changement climatique."
Les obligations pour les sites Seveso et des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) sont également vagues : le PNACC prévoit que les aléas devront être mis en cohérence avec la TRACC mais la méthodologie reste à définir (mesure 19).

En quoi consisteraient ces études de vulnérabilité climatiques ? Quelques pistes.
Si le plan publié par le gouvernement indique clairement la voie - amener les entreprises à mieux comprendre leur exposition au changement climatique et à intégrer ces risques dans leurs décisions, elle donne peu de détails.
Que devraient contenir les études de vulnérabilité climatique que le PNACC demande aux entreprises ? Sur quel périmètre et dans quels scénarios ? En l'absence de précisions, on peut faire quelques suppositions.
Études de vulnérabilité PNACC vs. diagnostic des PCAET
Avec la généralisation des Plan Climat-Air-Energie Territoriaux en 2018, la plupart des collectivités ont déjà réalisé une analyse de la vulnérabilité de leur territoire aux effets du changement climatique. Les PCAET, comme l'ensemble des documents de planification publique (SRADDET, SRCAE, SCoT, PLUi, SDAGE...), devront être mis en cohérence avec le nouveau scénario de référence pour l'adaptation avant 2030.
Le diagnostic de vulnérabilité climatique demandé aux collectivités dans le cadre des PCAET peut fournir une source d'inspiration. Un cadre méthodologique s'est progressivement mis en place sous l'impulsion notamment de l'ADEME. La grille d'analyse proposée aborde de nombreuses thématiques : température de l’air et des cours d'eau, vagues de chaleur, cycle des gelées, régime des précipitations, pluies torrentielles, neige, sécheresse, débits des cours d'eau, inondations , coulées de boue, mouvements de terrain, retrait gonflement des argiles, feux de forêt, tempêtes, vents violents et cyclones, prolifération de pathogènes, etc.
Dans le cadre de PCAET, l'évaluation des risques climatiques est généralement supportée par des projections climatiques débiaisées issues du projet DRIAS. Cependant elle reste généralement qualitative, on ne trouvera par exemple presque jamais dans le plan climat d'une collectivité une évaluation du volume de précipitations centennal ou de la température maximale à l'horizon 2050 ou 2100. Or, ces valeurs sont indispensables, par exemple pour dimensionner correctement le diamètre de drains ou la puissance d'un système de refroidissement. Si les études de vulnérabilité demandées par le PNACC doivent servir de base à une démarche opérationnelle de réduction des risques au sein des entreprises, l'évaluation des effets du changement climatique doit être quantitative,

Études de vulnérabilité PNACC vs. CSRD & taxonomie
Un autre rapprochement évident avec les mesures d'évaluation de vulnérabilité prévues par le PNACC est l'évaluation des risques climatiques dans les nouvelles réglementations européennes.
La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est une nouvelle réglementation européenne qui impose progressivement de nouvelles obligations de transparence aux entreprises cotées. Les premiers rapports CSRD, qui concernent pour l'instant seulement les plus grandes entreprises européennes, devront être publiés en 2025 et contenir une évaluation des risques climatiques physiques. De son côté, la taxonomie européenne est un système de classification destiné à aider les entreprises, investisseurs et décideurs à identifier les activités économiques durables, cette classification tient compte des vulnérabilités climatiques pour les projets dont la durée de vie dépasse 10 ans.
Dans les deux cas, il s'agit de réglementations très récentes et le cadre méthodologique n'est pas encore fixé. On peut cependant supposer que ces évaluations ne recouperont pas totalement les études de vulnérabilités demandées par le PNACC :
Dans la CSRD et la taxonomie, l’évaluation des risques climatiques physiques sert à informer les investisseurs et les parties prenantes. Dans le PNACC, l'étude des vulnérabilités doit préparer l'adaptation des projets, elle est à usage interne.
Les évaluations PNACC, en ciblant les infrastructures et les services critiques, mettent l'accent sur la disponibilité et la sureté. Elles réclameront probablement une étude beaucoup plus fine et opérationnelle que la CSRD dont l'objectif est de fournir une vision globale agrégée des risques. Cependant, ces obligations entrant en vigueur approximativement au même moment, il sera important pour les entreprises soumises à ces obligations de veiller à la cohérence entre les différentes méthodologies.
Périmètres et scénario
Une autre différence entre les études PNACC et les PCAET porte sur le périmètre géographique. Sur quoi exactement devrait porter l'étude de vulnérabilité des entreprises ? Sur les sites qu'elle exploite directement ? Cela peut être une première étape mais cette approche touche rapidement ses limites : à quoi bon avoir des sites industriels protégés contre les risques climatiques si les infrastructures dont ils dépendent, leurs salariés, leurs fournisseurs, etc. sont exposées ?
Pour évaluer réellement la vulnérabilité d'installations vitales aux risques climatiques, il faudra prendre en compte leur exposition indirecte, via le territoire environnant et leur chaine de valeur.
La question des scénarios climatiques utilisés se pose également. A priori, le PNACC s'appuie sur la Trajectoire de Référence pour l'Adaptation au Changement Climatique et son scénario de réchauffement de 4°C en moyenne en métropole. Ce scénario correspond au climat de la fin du XXIe siècle avec les politiques actuelles de réduction des émissions. Il n'est donc pas forcément adapté pour des projets qui ont une durée de vie plus courte ou dont l'existence peut se prolonger au-delà de 2100.

Le plan mentionne cette question dans le cas des projets nucléaires en précisant que les études pour les futurs EPR2 "tiennent compte du climat futur sur toute la durée prévue du fonctionnement" - ce qui dans un scénario d'émissions élevées peut conduire à un réchauffement supérieur à 4°C. Le projet précisez même qu'il faudrait tenir compte des "derniers modèles climatiques", soit CMIP6 alors que la TRACC est basée sur CMIP5.
Il semble donc admis que le "scénario 4°C" sera la référence mais que d'autres scénarios pourront être utilisés selon la durée de vie du projet et le niveau de risque acceptable.
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