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Le point sur les nouvelles études de vulnérabilité pour les entreprises prévues par le plan national d'adaptation au changement climatique

Dernière mise à jour : 9 déc. 2024

Le gouvernement a publié le 25 octobre son projet de plan national d'adaptation au changement climatique (PNACC). D'une concertation avec les syndicats sur les conditions de travail en période de chaleur jusqu'à la transparence sur les tarifs d'assurance, ce projet comporte une cinquantaine de mesures destinées à préparer la France face à la possibilité d'un réchauffement marqué du climat au cours du XXIe siècle.

Parmi les 51 propositions du PNACC, plusieurs portent sur l'étude des vulnérabilités des entreprises : le gouvernement souhaite les obliger à mieux évaluer les risques climatiques pesant sur leurs activités.
Le 3e plan national d'adaptation au changement climatique propose d'imposer des études de vulnérabilité aux entreprises

Le projet va être mis en consultation pendant deux mois. Ces propositions seront donc probablement précisées, modifiées voire supprimées dans le document final, mais elles constituent déjà un signe fort pour les acteurs économiques.


Cet article fait le point sur les informations disponibles à ce stade et propose quelques pistes de réflexion sur la mise en œuvre concrète de ces nouvelles obligations.


Infrastructures, santé, OIV... Quelles entreprises devront faire une d’étude de vulnérabilité climatique ?


Le contenu du PNACC fait apparaitre une vision claire : anticiper les impacts du changement climatique est une première étape indispensable à l'adaptation. L'idée est qu'un risque connu peut être évité (par exemple renoncer à une mauvaise décision mettrait en danger l'entreprise) ou mitigé (limiter les dommages lors d’événements climatiques extrêmes, etc.).

Le Plan National d'Adaptation au Changement Climatique veut intégrer l’adaptation au changement climatique dans les stratégies des entreprises. Il fixe comme première étape la réalisation d'études de vulnérabilité.

La mesure 33 du PNACC prévoit que "la réalisation de ces études sera progressivement rendue obligatoire pour les grandes entreprises et les entreprises stratégiques." Le calendrier de mise en œuvre est précisé dans certains cas. Cette obligation entrerait en vigueur :

  • Dès l'année prochaine, en 2025, pour les "grandes entreprises gérant des infrastructures de transport et d’énergie". La liste n'est pas fournie, mais on peut penser par exemple à RTE, Enedis, GRTgaz, TRAPIL (qui exploite le réseau d'oléoducs français), SNCF réseau, RATP, Aéroports de Paris, peut-être aux concessionnaires d'autoroutes (Eiffage, Vinci, Abertis...), sociétés de gestion de ports ou aux grands réseaux de chaleur.

  • A partir de 2025 également pour les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, en priorisant les établissements situés en zones urbaines ou plus exposés aux risques climatiques. Cela représente près de 15.000 sites parmi lesquels on va trouver les hôpitaux mais aussi des EPHAD, ESAT, foyers, centres d'accueil, écoles...

  • En 2026, pour les autres Opérateurs d'Importance Vitale. Les OIV sont des organisations désignées par la Loi de Programmation Militaire comme "vitales à la survie de la nation". La liste est évidemment confidentielle mais on sait qu'elle comprend près de 1400 sites, ou "point d'importance vitale" sur le territoire, exploités par environ 250 opérateurs d'importance vitale. Les OIV vont des industries de l'armement jusqu'aux grandes banques en passant par les gestionnaires d'infrastructures majeures (eau, énergie, transport...), l'agroalimentaire ou les établissements sanitaires.


Par ailleurs, les effets du changement climatique devront être pris en compte dans des études de danger des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE).


Infrastructure routière coupée par une inondation
Les grandes infrastructures (route, réseau électrique, eau...) sont exposées aux conséquences du changement climatique ; pour le PNACC, anticiper leur vulnérabilité est la première étape vers l'adaptation.

Et les organisations publiques ? Avec la généralisation des Plan Climat-Air-Energie Territoriaux en 2018, la plupart des collectivités ont déjà réalisé une analyse de la vulnérabilité de leur territoire

aux effets du changement climatique. Les PCAET, comme l'ensemble des documents de planification publique (SRADDET, SRCAE, SCoT, PLUi, SDAGE...), devront être mis en cohérence avec le nouveau scénario de référence pour l'adaptation avant 2030.


En quoi consisteraient ces études de vulnérabilité climatiques ? Quelques pistes.

Si le projet publié par le gouvernement indique clairement la voie - amener les entreprises à mieux comprendre leur exposition au changement climatique et à intégrer ces risques dans leurs décisions, elle donne peu de détails.

Que devraient contenir les études de vulnérabilité climatique que le PNACC demande aux entreprises ? Sur quel périmètre et dans quels scénarios ? En l'absence de précisions, on peut faire quelques suppositions.

Études de vulnérabilité PNACC vs. diagnostic des PCAET

Concernant le contenu des études, le diagnostic de vulnérabilité climatique demandé aux collectivités dans le cadre des PCAET peut fournir une source d'inspiration. Un cadre méthodologique s'est progressivement mis en place sous l'impulsion notamment de l'ADEME. La grille d'analyse proposée aborde de nombreuses thématiques : température de l’air et des cours d'eau, vagues de chaleur, cycle des gelées, régime des précipitations, pluies torrentielles, neige, sécheresse, débits des cours d'eau, inondations , coulées de boue, mouvements de terrain, retrait gonflement des argiles, feux de forêt, tempêtes, vents violents et cyclones, prolifération de pathogènes, etc.


Dans le cadre de PCAET, l'évaluation des risques climatiques est généralement supportée par des projections climatiques débiaisées issues du projet DRIAS. Cependant elle reste généralement qualitative, on ne trouvera par exemple presque jamais dans le plan climat d'une collectivité une évaluation du volume de précipitations centennal ou de la température maximale à l'horizon 2050 ou 2100. Or, ces valeurs sont indispensables, par exemple pour dimensionner correctement le diamètre de drains ou la puissance d'un système de refroidissement. Si les études de vulnérabilité demandées par le PNACC doivent servir de base à une démarche opérationnelle de réduction des risques au sein des entreprises, l'évaluation des effets du changement climatique doit être quantitative,


Bloc de climatisation dans un hopital
L'adaptation des entreprises et des infrastructures nécessite des projections plus fines, par exemple la température maximale pour le dimensionnement d'un système de climatisation industriel, que celles utilisées pour les PCAET

Études de vulnérabilité PNACC vs. CSRD & taxonomie

Un autre rapprochement évident avec les mesures d'évaluation de vulnérabilité prévue par le PNACC est l'évaluation des risques climatiques dans les nouvelles réglementations européennes.

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) est une nouvelle réglementation européenne qui impose progressivement de nouvelles obligations de transparence aux entreprises cotées. Les premiers rapports CSRD, qui concernent pour l'instant seulement les plus grandes entreprises européennes, devront être publiés en 2025 et contenir une évaluation des risques climatiques physiques. De son côté, la taxonomie européenne est un système de classification destiné à aider les entreprises, investisseurs et décideurs à identifier les activités économiques durables, cette classification tient compte des vulnérabilités climatiques pour les projets dont la durée de vie dépasse 10 ans.


Dans les deux cas, il s'agit de réglementations très récentes et le cadre méthodologique n'est pas encore fixé. On peut cependant supposer que ces évaluations ne recouperont pas totalement les études de vulnérabilités demandées par le PNACC :

Dans la CSRD et la taxonomie, l’évaluation des risques climatiques physiques sert à informer les investisseurs et les parties prenantes. Dans le PNACC, l'étude des vulnérabilités doit préparer l'adaptation des projets, elle est à usage interne.

Les évaluations PNACC, en ciblant les infrastructures et les organismes d'importance vitale, mettent l'accent sur la disponibilité et la sureté. Elles réclameront probablement une étude beaucoup plus fine et opérationnelle que la CSRD dont l'objectif est de fournir une vision globale agrégée des risques. Cependant, ces obligations entrant en vigueur approximativement au même moment, il sera important pour les entreprises soumises à ces obligations de veiller à la cohérence entre les différentes méthodologies.


Périmètres et scénario

Une autre différence entre les études PNACC et les PCAET porte sur le périmètre géographique. Sur quoi exactement devrait porter l'étude de vulnérabilité des entreprises ? Sur les sites qu'elle exploite directement ? Cela peut être une première étape mais cette approche touche rapidement ses limites : à quoi bon avoir des sites industriels protégés contre les risques climatiques si les infrastructures dont ils dépendent, leurs salariés, leurs fournisseurs, etc. sont exposées ?

Pour évaluer réellement la vulnérabilité d'installations vitales aux risques climatiques, il faudra prendre en compte leur exposition indirecte, via le territoire environnant et leur chaine de valeur.

La question des scénarios climatiques utilisés se pose également. A priori, le PNACC s'appuie sur la Trajectoire de Référence pour l'Adaptation au Changement Climatique et son scénario de réchauffement de 4°C en moyenne en métropole. Ce scénario correspond au climat de la fin du XXIe siècle avec les politiques actuelles de réduction des émissions. Il n'est donc pas forcément adapté pour des projets qui ont une durée de vie plus courte ou dont l'existence peut se prolonger au-delà de 2100.

Laboratoire de Bure, projet d'enfouissement des déchets nucléires français
Le projet d'enfouissement des déchets nucléaires à Bure doit fonctionner jusqu'en 2150, à cette horizon le réchauffement de 4°C anticipé par la TRACC pourrait être dépassé.

Le plan mentionne cette question dans le cas des projets nucléaires en précisant que "les futurs EPR2, les derniers modèles climatiques seront appliqués sur toute la durée de fonctionnement des installations" - ce qui dans un scénario d'émissions élevées peut conduire à un réchauffement supérieur à 4°C. On peut donc supposer que le "scénario 4°C" sera la référence mais que d'autres scénarios pourront être utilisés selon la durée de vie du projet et le niveau de risque acceptable.


 

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