Dans une étape importante vers la gestion des impacts du changement climatique sur les propriétés, l’Assemblée Nationale a adopté le 6 avril 2023 une législation majeure visant à améliorer l’indemnisation des dommages causés par le phénomène de retrait-gonflement des argiles (RGA). Ce texte reconnaît la gravité et la fréquence croissante des sécheresses qui ont des effets dévastateurs sur les propriétés construites sur des sols riches en argiles.
Dans cet article, notre expert Samy Kraiem fait le point sur cette proposition et l’évolution des critères d’indemnisation. Pour aller plus loin, vous pouvez consulter cette étude, cosignée avec l’association Conséquences.Nous proposons également une application gratuite pour évaluer le risque à votre adresse.
Comprendre les RGA et l‘indemnisation des victimes
Le phénomène de retrait-gonflement des argiles se produit en raison des variations de la teneur en eau des sols. Pendant les périodes de sécheresse, les sols argileux se contractent, tandis que pendant les périodes humides, ils gonflent. Ces mouvements cycliques peuvent entraîner des dommages structurels importants aux bâtiments : fissures, fondations compromises et, dans les cas les plus graves, habitations inhabitables.
Le régime de catastrophes naturelles est un dispositif législatif et assurantiel français conçu pour indemniser les dommages matériels causés par des catastrophes naturelles. Ce régime repose sur les principes de solidarité nationale et d’égalité devant les charges publiques, garantissant une protection uniforme pour tous les citoyens face aux désastres naturels. Les mécanismes de ce régime sont inscrits dans le Code des assurances, principalement aux articles L.125–1 et suivants.
Le régime “CatNat” vise à venir en aide aux victimes de phénomènes exceptionnels non-assurables. Les dommages causés par le retrait-gonflement d’argile ne sont pas couverts par les assurances classique et ne sont indemnisés que dans ce cadre.
Ce régime fonctionne selon une procédure administrative rigoureuse pour reconnaître officiellement l’état de catastrophe naturelle dans les communes touchées. Cette reconnaissance est essentielle pour activer les garanties d’assurance spécifiques, permettant ainsi aux assurés d’être indemnisés pour les dommages matériels subis. La procédure de reconnaissance comprend plusieurs étapes, de la déclaration initiale du sinistre par les particuliers à l’instruction des demandes communales et à la publication des arrêtés interministériels.
La loi Rousseau adoptée en première lecture le 6 avril dernier vise à améliorer l’indemnisation des dommages immobiliers causés par le phénomène de retrait-gonflement des argiles. Elle simplifie les critères de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et assure une procédure d’indemnisation plus rapide et équitable pour les propriétaires touchés. L’objectif est de mieux protéger les habitations contre les impacts croissants du changement climatique.
Les nouvelles dispositions
Discutées au Sénat le 30 mai 2024, les dispositions de la proposition de loi visent à placer les assureurs et les propriétaires au centre des préoccupations, en facilitant les déclarations, la communication et les expertises. Les principales nouvelles dispositions s’articulent autour de plusieurs points :
Une communication et justification plus claires
Lorsque l’état de catastrophe naturelle n’est pas reconnu, la décision doit désormais être clairement détaillée et justifiée. Cela inclut des informations sur les procédures d’appel et l’accès aux documents administratifs, en particulier les rapports d’expertise ayant fondé la décision.
Un renforcement des procédures d’expertise
Obligation pour les assureurs de couvrir les coûts des évaluations et contre-évaluations par des experts qualifiés.
Introduction d’une présomption selon laquelle tout dommage survenant pendant une sécheresse est principalement dû au RGA, facilitant ainsi les réclamations des propriétaires.
Une labélisation des professionnels :
Création d’un label pour les experts (Expert RGA) et les entreprises (Entreprise de remise en état RGA) spécialisées dans les dommages liés au RGA, garantissant des normes élevées de compétence et de fiabilité.
Une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle plus large :
Utilisation des variations de l’humidité des sols pour déclarer l’état de catastrophe naturelle de sécheresse.
Déclaration automatique de l’état de catastrophe naturelle si l’indicateur d’humidité des sols montre une période de retour de dix ans ou plus.
Application de l’arrêté sur une durée de douze mois dans les zones à risque de RGA pour tenir compte des effets différés.
Cette reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle plus généraliste se fait notamment par l’utilisation d’un nouveau critère météorologique. Pour bien comprendre ce qui va changer, nous détaillons le nouveau critère météorologique utilisé à partir de 2024 pour la caractérisation de l’anormalité de la sécheresse entraînant la reconnaissance de catastrophe naturelle et ainsi les indemnisations prévues.
Un nouveau critère pour la reconnaissance des catastrophe naturelle RGA
Le nouveau critère météorologique utilisé pour la reconnaissance de catastrophe naturelle liée aux mouvements de terrain différentiels provoqués par la sécheresse et la réhydratation des sols a été introduit avec l’Instruction interministérielle relative à la procédure de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle du 29 avril 2024.
Ce critère météorologique repose sur l’analyse de l’humidité des sols superficiels des communes concernées. L’intensité d’un épisode de sécheresse est jugée anormale lorsque l’indicateur d’humidité des sols superficiels atteint ou dépasse un certain seuil. Cet indice est calculé par Météo-France à partir des données météorologiques, telles que les températures de l’air, les précipitations, le rayonnement solaire et le vent.
Météo-France utilise un modèle hydrométéorologique qui prend en compte l’évapotranspiration, l’infiltration, le drainage et les débits des cours d’eau pour représenter le bilan hydrique des sols superficiels. Ce modèle permet de simuler les échanges d’eau entre le sol et l’atmosphère, améliorant ainsi la représentation de l’humidité du sol à différentes profondeurs. Le modèle calcule l’indice d’humidité des sols (ou Soil Wetness Index, SWI en anglais), qui évalue l’état de la réserve en eau d’un sol par rapport à sa réserve optimale.
La nouveauté par rapport à l’arrêté de 2019 définissant le critère en application pour les événements jusqu’à 2023 est l’introduction de seuils différents pour le SWI. Il existe aujourd’hui trois seuil alternatifs pour qu’une sécheresse soit jugée anormal, et ouvre donc le droit à une reconnaissance en catastrophe naturelle :
Indice d’humidité des sols minimum annuel : L’épisode est considéré anormal si l’indice d’humidité des sols présente une période de retour supérieure ou égale à 10 ans. Autrement dit, la probabilité que le niveau de sécheresse soit atteint doit être inférieure à 10% par an. En pratique, ce critère est considéré comme vérifié si l’indice mensuel minimum de l’année est parmi les trois plus bas des trente dernières années.
Succession anormale d’épisodes significatifs : Une succession d’épisodes de sécheresse significatifs sur plusieurs années peut également qualifier un épisode comme anormal. Ceci est évalué en comparant l’indice d’humidité des sols minimum de plusieurs années consécutives.
Critère des communes limitrophes : Si une commune limitrophe a connu un épisode de sécheresse anormal, la commune concernée peut également être reconnue, même si elle ne rempli pas directement un des deux critères précédents.
Ces nouvelles méthodes d’évaluation introduites en 2024 apportent des améliorations significatives. La modélisation est aussi améliorée via l’utilisation de la dernière version de la chaine de modélisation Safran-Isba-Modcou (SIM pour les intimes) de Météo France. Ce modèle hydrométéorologique intègre les dernières avancées technique et apporte plus de précision dans la modélisation des échanges d’humidité entre le sol et l’atmosphère. De plus, point important, l’analyse de l’humidité des sols se fait désormais sur une base annuelle plutôt que saisonnière, permettant une reconnaissance plus cohérente de l’état de catastrophe naturelle pour l’ensemble de l’année. Enfin, cette évaluation utilise une période glissante de 30 années au lieu de 50, intégrant ainsi les données les plus récentes pour refléter les changements climatiques récents.
Le critère météorologique pour objectif d’évaluer l’anormalité des retrait-gonflements des argiles repose sur des méthodes de modélisation et des seuils rigoureusement définis. Les améliorations apportées en 2024 renforcent la précision et la pertinence de ces évaluations, facilitant ainsi la reconnaissance des états de catastrophe naturelle liés à ces phénomènes.
Conclusion
Pour les propriétaires, cette législation apporte un soulagement et une clarté indispensables. En simplifiant le processus de réclamation et en assurant une indemnisation équitable, la loi allège le fardeau financier et émotionnel des personnes touchées par les RGA. Les propriétaires auront un meilleur accès aux évaluations des experts et peuvent s’attendre à des réparations ou à une indemnisation plus rapide et adéquate pour leurs propriétés endommagées.
Pour l’industrie de l’assurance, la loi devrait fournir un cadre clair et stable pour traiter les réclamations liées aux RGA. Elle encourage la transparence et la responsabilité, garantissant que les assureurs soient bien équipés pour gérer et indemniser ces dommages spécifiques. L’utilisation obligatoire d’experts qualifiés et l’introduction du nouveau système de label renforceront la crédibilité et l’efficacité des évaluations des dommages et des travaux de réparation.
Cette législation est une étape cruciale pour s’adapter aux réalités du changement climatique. Elle reconnaît les risques croissants posés par les événements météorologiques extrêmes et fournit un mécanisme robuste pour soutenir les propriétaires touchés. En améliorant le processus d’indemnisation et en garantissant un traitement équitable, cette loi est un premier pas vers le renforcement de la résilience face aux défis climatiques futurs.
S’il est indispensable d’améliorer la reconnaissance et l’indemnisation des dommages causés par le changement climatique, il est toujours préférable de les anticiper et de s’adapter avant la réalisation des dommages. Callendar propose un outil en ligne gratuit permettant d’évaluer le risque RGA pour un bâtiment.
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